« HaTIKVAH – du fleuve à la mer » est une constellation de témoignages, qui se présente sous la forme de 5 films, un ouvrage, une série littéraire et un colloque. Ce projet tisse ensemble la rigueur du reportage et l’élan créateur de l’imaginaire. Il se présente comme une odyssée intérieure de l’identité juive contemporaine, portée, depuis le 7 octobre 2023, par le journaliste et cinéaste Eden.
Au cœur de ce dispositif se trouve un film éponyme, « HaTIKVAH – du fleuve à la mer », fresque de près de trois heures, qui arpente les blessures muettes, les combats sourds, les initiatives éclatantes, l’indicible violence, la haine, la résilience, le renouveau – et, par-dessus tout, la ténacité d’une espérance obstinée.
Raconté à travers le regard de la journaliste Caroll Azoulay, il suit le destin d’un homme ordinaire devenu extraordinaire, le Dr Bruno Lellouche, président de l’association Netsah, dont les engagements jalonnent, de rencontre en rencontre, un chemin où convergent plus de quarante personnalités, associations, institutions, collectifs, lieux de culte, de mémoire, experts et témoins directs, mobilisés sans relâche depuis six cents jours. En contrepoint, le psychanalyste Michel-Gad Wolkowicz vient, par sa lecture incisive, éclairer les visages, les épreuves, les métamorphoses humaines nées du cataclysme du 7 octobre.
À cette traversée plurielle s’ajoute deux œuvres musicales et visuelles dont « HaTIKVAH by ADAMA », centrée sur les otages et les structures militantes œuvrant à leur libération. Véritable hommage aux hommes et aux femmes qui, depuis près de six cents jours, brandissent haut l’étendard de cette cause, « HaTIKVAH by ADAMA » sera projeté lors de Yom Haʿatzmaout au sein de diverses institutions telles que l’ECUJE ou Judaïsme en Mouvement à la Synagogue Beaugrenelle. Parallèlement, de nombreux collectifs et associations en assureront la diffusion simultanée sur les réseaux sociaux : Studio Qualita, ActuJ, IsraJ, AJ Mag, Netsah, Collectif Tous 7 octobre, The Truth, Collectif Nous vivrons, Schibboleth – Actualité de Freud, Agir ensemble, Elnet, Forum des familles des otages, Crif, Fonds Social Juif Unifié, David Reinharc Éditions, Marseille-Cassis Bring them home, Nuit des Étoiles, ECUJE, et d’autres encore. Depuis plus de dix-huit mois, ces structures maintiennent vivace ce fil ténu, cette tikvah essentielle. Les images, pour la plupart extraites du film « HaTIKVAH – du fleuve à la mer », viennent raconter ce que les chiffres dérobent : les visages, les mains, les silences, les cœurs ébréchés.
Mais pourquoi ce « HaTIKVAH » , cet hymne que l’on reçoit en silence, les paupières entrouvertes sur un frisson, un espoir, celui du peuple juif. Ce chant, souvent fredonné, souvent entonné, est en vérité une prière laïque, un kaddish mis en musique, le souffle têtu d’un peuple dispersé, n’ayant jamais renoncé à son retour.
Né d’un poème de Naftali Herz Imber, jeune juif galicien inspiré, en 1878, par l’idéal du renouveau national en Eretz Israël, Tikvatenu (« notre espérance »), devenu Hatikvah (« l’espérance »), traverse l’histoire tel un fil d’or tendu entre les ruines de Jérusalem et les murs du ghetto, entre les cendres d’Auschwitz et les ruelles de Sdérot. Il fut chanté à voix basse dans les caves de Varsovie, crié par les rescapés de la Shoah débarquant à Haïfa, chuchoté par les soldats montant à Jérusalem en 1948, et aujourd’hui repris dans les rues de Paris, Bastia, New York ou Tel Aviv, par les familles des otages du 7 octobre. L’Hatikvah n’est pas un chant de victoire ; c’est d’abord un chant de survie, qui mènera à la victoire.
Le 7 octobre 2023, jour de Sim’hat Torah et de Shabbat, une blessure nouvelle fut infligée à la chair juive. L’attaque sans précédent du Hamas – organisation islamiste terroriste palestinienne – coûta la vie à 1 189 personnes, parmi lesquelles 37 enfants et 815 civils, blessa plus de 7 500 autres, et conduisit à l’enlèvement de 251 âmes vers les tunnels de Gaza. 58 sont encore retenues. 34 seraient mortes. Pour le peuple juif, cette journée fut plus qu’un massacre : un pogrom moderne, un effondrement moral suivi d’une déferlante négationniste. Et face à cette horreur, que demeure-t-il ? Un chant. Kol od balevav penimah, nefesh Yehudi homiyah… « tant qu’au fond du cœur, l’âme juive palpite… ». Ces mots d’ouverture résonnent aujourd’hui sur la place des otages à Tel Aviv, dans les synagogues, les manifestations, les écoles, les hôpitaux, les cimetières. Ils incarnent la tikvah – mot hébraïque qui désigne à la fois l’espérance et le fil (kav) – cette corde fragile qui relie les âmes juives à travers les siècles et les exils.
Le clip musical de L’Hatikvah, interprété par le groupe Adama, sous la direction du journaliste-cinéaste Eden, produit par Rachel A. Silberman (Balagan Films), donne chair à cette tension entre douleur et espérance. Sarah Ashel, Lydia Haouzi Barbas, Emy Bens’, Patrick Delbart-Gondrée – quatre danseurs – tracent dans l’espace des gestes de rupture et de reliance, comme les lettres éparses d’un antique alphabet tentant encore de nommer l’indicible. Leurs corps deviennent prières, psaumes en mouvement, tunnels de fuite et étoffes de deuil transfigurées en bannières de libération.
Dans le judaïsme, l’espoir n’est jamais aveugle : il est lucide, forgé au feu des ruines, comme l’ont fait les enfants d’Israël après chaque exil, chaque bûcher, chaque chute du Temple. Le Talmud enseigne : kol Yisrael yesh lahem helek le’olam haba – « tout Israël a une part dans le monde futur » (Sanhédrin 90a) -, sans promettre ni délai ni facilité. L’attente, au cœur de la tradition juive, n’est pas fuite mais résistance. Ainsi Hatikvah, dans son texte même, affirme que le peuple juif est suspendu entre deux mondes, entre l’ici et l’ailleurs, entre la Terre promise et la dispersion, entre le ciel et la poussière : Ayé lefa’at mizrach, Ayin letzion tzofiyah. « Nos regards tournés vers l’Orient, vers Sion qui nous appelle ».