EDEN

Eden Levi Campana est un auteur, journaliste et cinéaste. Diplômé du Centre de perfectionnement des journalistes (CPJ), langues à l’Université de Cambridge et de l’école de cinéma ESRA, il débute comme documentariste et journaliste d’investigation au Moyen-Orient, en France et aux États-Unis, où ses enquêtes le mènent dans des régions clés du globe.

Dès l’enfance, il découvre l’exil de l’entre-deux mondes, de l’entre-deux cultures, des foyers disloqués. Il apprend à survivre sans mode d’emploi. À penser sans guide. À créer sans maître. Mais surtout : à contenir une violence. Une colère sourde, ancienne, mystérieuse, dont il ne dira jamais l’origine. Elle l’habite. Il l’apprivoise. Par l’art, ou rien. Très tôt, il observe. Il archive. Il écrit. Il dessine puis peint. Il filme. Il entre dans le journalisme comme on entre en mission. Il écrit aussi pour d’autres. Corrige. Restructure. Tisse. Biographe. Script-doctor. Auteur de l’ombre.

Formé à Paris au Centre de perfectionnement des journalistes et à l’ESRA, il choisit immédiatement l’enquête longue, l’investigation, la quête de vérité. Il suit les récits qu’on ne sait pas raconter. Il écoute sans interrompre. Il filme sans voler, il restitue avec respect et humilité. Il se distingue par ses reportages au plus près des événements, parfois avec des prises de risques physiques. Son style est marqué par une immersion totale dans les sujets qu’il traite, que ce soit en zones de conflits ou dans des enquêtes au long cours, cherchant à capter des récits humains riches. Ses enquêtes sont des traversées. Sa violence intérieure n’est jamais loin, elle afflue quand il est confronté à une injustice.

À la vingtaine, une brève reconnaissance lui tend la main. Il la refuse. Il quitte la France. Ailleurs, les films s’enchaînent. Les articles paraissent. Mais jamais sous son nom. L’anonymat devient sa forme de liberté. Liberté, le mot est lâché. Aucune contrainte, peu importe le prix. Il avance. Il crée. Il s’efface… jusqu’à l’accident. Un choc pendant un tournage. Brusque. Tout s’arrête, les voyages permanents, le mouvement perpétuel qu’il avait instauré. Reste le néant. La vue s’altère. L’ouïe se brise. Le monde se rétracte. Le corps se déforme et impose sa cadence d’hôpitaux en salles de soins. Mais Eden ne recule pas, l’espoir est là, la résilience aussi. Il réinvente. Il réapprend. Il monte à l’oreille. Il filme à l’instinct. Il écrit avec les nerfs. Ce que d’autres appelleraient un effondrement, il en fait un style. La colère est là, toujours aussi tranchante mais à présent plus féconde. C’est à ce moment, à Jérusalem, qu’il rencontre Caroll Azoulay, rédactrice en chef d’Actualité Juive en Israël, du magazine AJ MAG et du site LPH. Quelque chose se passe – une reconnaissance silencieuse, une langue partagée, faite de vérité sans vanité. Très vite, ils se lient d’amitié. Caroll lui fait confiance. Ils partagent la même passion, les mêmes valeurs, le même attachement viscéral à Israël. Peu à peu, les textes s’enchaînent. Articles, dossiers, interviews, Eden reprend place – à sa manière, sans tapage, mais avec une acuité intacte. Il propose une série littéraire à Caroll, un article mensuel, « Les aventures extraordinaires de Moïse Levy ». Elle préfère un article hebdomadaire, le challenge est lancé. C’est Caroll qui lui ouvre cette porte, avec cette élégance de ceux qui n’en attendent rien. C’est par elle que le retour devient possible. Ce n’est donc pas un hasard si, plus tard, c’est elle qu’il placera au cœur de son grand projet, « HaTIKVAH – du fleuve à la mer ».

En 2023, après un tournage à Auschwitz, il travaille à un film discret, prévu en marge du Festival de Cannes. Il monte encore, quand survient le 7 octobre. Le monde se fend. Eden se tait. Mais il sent que cette fois, il faut apparaître, le pire des sacrifices. Il termine le film – par devoir. Mais son cœur est ailleurs : au shabbat noir. Six mois plus tôt, « LPH » avait publié « Moïse Levy » sa série littéraire, décrivant le massacre d’un kibboutz. L’imaginaire avait précédé l’horreur.

Pendant deux ans, Eden fait du journalisme. Il garde la fiction à distance. Il filme. Il interroge. Il documente. Il cherche la vérité nue. Il rencontre des gens incroyables, souvent métamorphosés par la guerre au Moyen-Orient. De simples citoyens comme Dr Bruno Lellouche, devenu un des leaders dans le soutien à Israël, des intelligences pures comme le Pr Michel Gad Wolkowicz ou encore des stratèges subtiles comme la députée Caroline Yadan. Ainsi Eden approche avec « HaTIKVAH – du fleuve à la mer », une constellation de témoignages, qui se présentent sous la forme de 5 films, un ouvrage, une série littéraire et un colloque. Ce projet tisse ensemble la rigueur du reportage et l’élan créateur de l’imaginaire. Il se présente comme une odyssée intérieure de l’identité juive contemporaine. Au cœur de ce dispositif se trouve un film éponyme, « HaTIKVAH – du fleuve à la mer », fresque de près de trois heures, qui arpente les blessures muettes, les combats sourds, les initiatives éclatantes, l’indicible violence, la haine, la résilience, le renouveau – et, par-dessus tout, la ténacité d’une espérance obstinée.

« LA SOURCE DE VIE », projeté lors de l’hommage du 7 octobre à la synagogue Copernic, puis mis en ligne atteint rapidement le demi-million de vue. Mais Eden ne s’en prévaut pas. Il prépare la suite. Un projet-monde, une valise. Une œuvre plurielle. Un cycle. Il ne cherche pas à plaire. Il cherche à inscrire. Il ne commente rien. Il avance. On ne sait jamais où il est. Mais on sait qu’il écrit.